Correction de la théorie d’E. Aubourg à propos de l’orientation du temple de Dendera

Afin d’illustrer de manière scientifique et astronomique le sens d’orientation visuelle à accorder à l’artefact égyptien nommé « Zodiaque de Dendera » dont vous pouvez lire l’étude dans cet article. Voici ci-dessous, l’étude menée par J-B L, astronome amateur, concernant le « Lever Héliaque de Sirius » qui confirme le sens d’orientation visuelle que propose A.N.K., archéo-astronome et auteur de nombreuses enquêtes traitant d’astronomie égyptienne.

Analyse et correction de la théorie d’Eric Aubourg à propos de l’orientation du temple de Dendera.

Pour un lieu donné, le lever héliaque (venant du grec hélios, Soleil) correspond à l’instant quand l’étoile Sirius (Sôthis) se lève en même temps que le Soleil, à l’Est, c’est aussi sa première apparition à l’aube naissante après des mois d’absence dans le ciel nocturne. Respectivement, le coucher héliaque est celui quand cet astre se couche en même temps que le Soleil.

Dans la pratique, le lever héliaque d’un astre ne peut être observé à l’œil nu que lorsque le Soleil est en dessous de l’horizon et que l’astre est au-dessus de l’horizon. C’est en partie lié au phénomène de disparition visuelle des étoiles causé par la trop forte luminosité du Soleil (Fig. 1) qui masque ces astres le jour. Cet angle d’observation entre le Soleil et l’astre est appelé arcus visionis. La valeur de cet angle varie en fonction de la magnitude visuelle de l’astre observé, la différence d’azimut avec le Soleil et l’astre, mais aussi de la transparence de l’air.

AstreMagnitude visuelle (maximale)Luminosité
comparée à celle de Sirius
Soleil-26,8x  ~10.000.000
Lune-12,7x  ~30.000
Sirius-1,461
Véga0: ~4
Polaris2,02: ~6

Fig. 1 : Magnitude visuelle (Mv, maximale pour la Nouvelle Lune) et la luminosité comparée à l’étoile Sirius de quelques astres du ciel – IMCCE – Simbad

Une formule est parfois donnée pour calculer cet angle : 10.5 + 1.44 * Mv.
Les valeurs ainsi obtenues restent très optimistes pour l’IMCCE qui n’hésite par à proposer de les augmenter de 1° voir 2° pour l’étoile de Sirius.

Une méthode développée par Pierre Bretagnon de l’IMCCE permet d’obtenir les informations relatives au lever héliaque de Sirius en positionnant cette valeur d’arcus visionis. On comprend de fait que la valeur de l’arcus visionis est objective à défaut de prendre tous les paramètres des conditions d’observation.

Sirius

En Egypte antique, l’annonciation de la crue du Nil se faisait quelques semaines avant lors du lever héliaque de l’étoile la plus brillante du ciel, Sirius. Le lever héliaque de l’étoile de Sirius n’est visible que si le Soleil est à 6° en dessous de l’horizon et Sirius est à 2° au-dessus de cet horizon, soit un arcus visionis de 8°. L’angle obtenu par la précédente formule appliqué ici à Sirius, 10.5 + 1.44 * Mv, donne 8.4°. Cette valeur reste optimiste car L’IMCCE propose plutôt une valeur pour le Soleil variant de 6° à 7° et pour Sirius variant de 2° et 3°, soit un arcus visionis variant de 8° à 10°. On comprend de fait que la valeur de l’arcus visionis est objective à défaut de prendre tous les paramètres des conditions d’observation.

arcus
visionis
Lever héliaqueAzimut
Sirius
812/07108° 28′
913/07108° 28′
1014/07108° 28′
1116/07108° 28′

Fig. 2 : Résultat du formulaire de Pierre Bretagnon pour 763 BCE à Dendéra.
La valeur de l’azimut est donné depuis l’orientation cardinale du nord et dans le sens horaire.

Une méthode développée par Pierre Bretagnon de l’IMCCE est d’une grande utilité pour les historiens des sciences et pour les égyptologues. Elle a été publié dans la revue Découverte du Palais de la Découverte (juin 2003 n°309). Appliquée à l’année 763 BCE et le lieu de Dendéra (longitude 32° 41′, latitude 26° 6′), elle donne les résultats présentés dans Fig. 2 en fonction du choix de la valeur de l’arcus visionis. Au vu de cela, on constate que cette méthode ne fait varier que l’altitude du Soleil en fonction de l’arcus visionis, ce qui n’impacte pas la valeur de l’azimut de Sirius mais la date de ce lever héliaque.
Les résultats présentés dans Fig. 3 sont donnés en fonction d’epoch différentes pour un arcus visionis de 10°.
Le lever de Sirius dans SkySafari (2022) se fait à l’azimut 108° 46′ une valeur quelque peu différente de celle de l’IMCCE. Ce même logiciel nous indique qu’à une altitude de 2° au-dessus de l’horizon, l’azimut est de 109°49′, soit un décalage moyen proche de l’horizon d’un demi-degré par degré d’élévation.

epochLever héliaqueAzimut
Sirius
51 BCE15/07107° 34′
400 BCE15/07107° 56′
600 BCE14/07108° 12′
763 BCE14/07108° 28′
900 BCE14/07108° 42′
1100 BCE14/07109° 05′

Fig. 3 : Résultat du formulaire de Pierre Bretagnon avec un arcus visionis de 10° à Dendéra.
La valeur de l’azimut est donné depuis l’orientation cardinale du nord et dans le sens horaire.

Temple d’Hathor à Dendéra

Dans la littérature, de nombreuses propositions sont données pour justifier l’orientation des temples.

Pour certain, les égyptiens anciens définissaient un axe Est-Ouest comme étant perpendiculaire au Nil, le Nil représentant l’axe Nord-Sud ! L’auteur de cet article vous accorde que c’est tiré par les cheveux comme pensée. Ces mêmes personnes arrivent à la conclusion que le temple d’Hathor de Dendéra serait alors aligné à ce faux axe Est-Ouest. La Fig. 4 ci-dessous, montre bien que rien ne tient dans ce… raisonnement.

Fig. 4 : Temple d’Hathor de Dendérah – Google Earth
Cette prise de vue satellitaire permet d’identifier le Nil ainsi que le temple comme son orientation.

Pour le temple d’Hathor, comme vous allez le constater rapidement, il n’y aura pas trop à tergiverser au regard de la datation obtenue, confirmée de plusieurs façons dans l’article La galaxie d’Andromède vue par les égyptiens anciens.

Fig. 5 : Temple d’Hathor de Dendérah – Google Earth
Cette prise de vue satellitaire indique une orientation du temple de 18° 30′ +/- 15′ suivant l’axe nord-sud (ici en rouge).

Alors qu’Auguste Mariette-Bey indiquait une orientation approximative du temple de 15° du nord vrai, qui est le nord géographique et non le nord magnétique de la boussole, la Fig. 5 présente plus une valeur plus précise de 18° 30′.
Précédemment, pour l’epoch 763 BCE, l’azimut obtenu pour le lever héliaque de Sirius donnait la valeur de 108° 28′ valeur qui est proche de 90° + 18° 30′ ce qui correspond à l’orientation vers l’est du temple (Fig. 6).

Fig. 6 : Orientation du temple d’Hathor de Dendérah – Google Earth
En rouge, l’orientation cardinale avec le nord en 0° et l’est en 90°.
En bleu, l’orientation du temple avec un décalage de 18° 30′ vers l’est.
L’intersection des axes bleus pointe la chambre qui contenait le Zodiaque circulaire en grès. 

Conclusion

L’orientation reste conforme à la datation obtenue par ailleurs (763 BCE +/- 50 ans) même si l’on constate à travers Fig. 3 que l’azimut de Sirius au lever héliaque évolue lentement au cours des siècles, principalement à cause de la précession des équinoxes. De plus, lors de la comparaison de lever héliaque donné par des registres, on constate que l’on a des difficultés à obtenir les mêmes valeurs que les Égyptiens antiques pour les levers que pour les couchers héliaques. Cela laisse supposer que les Égyptiens appliquaient probablement une correction sur la valeur mesurée afin de recherche l’azimut réel du lever, ce qui renforcerait alors la datation vers 800 BCE +/- 100 ans, incluant l’imprécision sur la mesure de l’orientation du temple comme sur la façon dont procédé les Égyptiens antiques pour déterminer cette date.

Controverse

Fig. 6 : Extrait de l’article La date de conception du zodiaque du temple d’Hathor à Dendera du Bulletin de L’Institut Français d’Archéologie Oriental (BIFAO) 95 (1995) écrit par Éric Aubourg.

En partant du même constat d’un alignement du temple avec le lever de Sirius (héliaque ou pas d’ailleurs puisque chaque jour Sirius se lève à cet azimut), un certain Eric Aubourg commence son article (Fig. 6) en datant le temple de Dendéra à l’epoch 54 BCE, sans plus de justification !

Le tableau de la Fig. 3 nous montre clairement que pour obtenir cette valeur, il faudrait que le temple soit orienté vers 107° 34′ soit plus d’une erreur d’un 1° par rapport à l’orientation du temple obtenu par la photographie satellitaire de Google Earth, 108° 30′ ! Cet azimut est calculé pour cet epoch par la formule de l’IMCCE et confirmé par SkySafari qui nous donne 107°47′. L’écart est trop élevé pour ne pas être remarqué.

Cette date que présente de façon cavalière Eric Aubourg a été donné bien avant lui par Sylvie Cauville, égyptologue, dans son livre Temple de Dendera, guide archéologique publié en 1990 par l’Institut Français d’Archéologie Orientale (IFAO) sans plus de précision sur la façon dont elle arrive à cela. Dans son livre, Sylvie Cauville n’indique pas d’où lui provient sa datation, ni comment elle fût calculée, ni quel astronome l’a calculée pour elle. Ce qui est certain, c’est qu’il n’est indiqué nulle part dans le Temple, que ce soit en grec, en romain ou en égyptien hiéroglyphique, que ce temple date du 16 juillet 54 BCE.

L’étude d’Eric Aubourg semble vouloir démontrer scientifiquement la valeur de cette date selon plusieurs éléments tels que l’azimut du lever héliaque, l’identification de deux éclipses et d’une disposition planétaire. Sauf que d’autres erreurs se sont glissées dans son raisonnement puisque l’éclipse lunaire n’est autre que la galaxie M31 qui est représenté sous l’Œil d’Horus (voir cet article).

Un autre point étonnant, c’est que l’article de Sylvie Cauville et Eric Aubourg ont tous les deux étaient publiés par l’IFAO, sans comité de lecture externe.

Référence

[] Petit complément d’astronomie à l’usage des historiens, lecture complémentaire intéressante
[] La  méthode développée par Pierre Bretagnon de l’IMCCE permet de calculer le lever héliaque de Sirius, formule publiée dans la revue Découverte du Palais de la Découverte (juin 2003 n°309)